BD | Compte rendu n°1

Valérie Plante et Delphie Côté-Lacroix | Simone Simoneau. Chronique d’une femme en politique | Montréal, Ed. XYZ, 2020

Compte rendu de Sandra Breux, professeure titulaire à l’Institut national de la recherche scientifique – Centre Urbanisation Culture Société

Comment se lance-t-on en politique municipale ? C’est la question principale à laquelle répond cette bande dessinée, tout en faisant écho au parcours de Valérie Plante – l’actuelle mairesse de Montréal – et à plusieurs travaux scientifiques portant sur la scène politique municipale québécoise et canadienne. Divisée en trois grands chapitres, cette bande dessinée expose d’abord les circonstances qui peuvent expliquer qu’une personne choisit de faire le saut en politique municipale. Puis, les premiers pas d’une personne qui souhaite être candidate sont détaillés, et enfin les spécificités du jour de l’élection sont décrites.

La lecture des premières pages nous plonge dans la vie de Simone Simoneau, une mère de famille qui souhaite s’impliquer davantage dans la communauté et relever de nouveaux défis. Elle reçoit alors un appel d’un parti politique municipal qui songe à l’inviter à être candidate. Cette invitation n’est pas le fruit du hasard : les engagements bénévoles de Simone (groupe de femmes etc.) font d’elle une potentielle candidate engagée et ancrée localement. Cette démarche du parti politique illustre un phénomène bien documenté dans les écrits scientifiques tant au Québec qu’en Europe : les élu.es municipaux détiennent souvent, avant de se lancer en politique, des expériences bénévoles et militantes (Mévellec 2018 ; Egner, Sweeting, et Klok 2013). Ce chapitre fait également allusion, de manière humoristique, aux défis que peuvent rencontrer les femmes, tels que l’illustre une réflexion de Simone : « Oublie pas Simone, en entrevue, les hommes se surévaluent de 30 % et les femmes se sous-évaluent de 30 %… » (p.22).

Une fois choisie par le parti, Simone rencontre de premiers obstacles : lancer sa campagne exige de récolter 5 000 $, mais il faut aussi constituer une équipe. L’héroïne dit alors comprendre pourquoi les élu.es sont souvent des hommes et femmes d’affaires ou des avocat·es. – leur métier leur offre une aisance financière précieuse pour se lancer en politique, comme certaines analyses l’ont montré (Reynaert 2012). La bande dessinée met également en évidence la nécessité d’être entourée pour mener sa campagne électorale, en montrant le caractère à la fois essentiel et parfois frustrant du porte-à-porte.

Simone Simoneau. Chronique d’une femme en politique, p.28.©Éditions XYZ

L’histoire est parsemée de remarques, parfois naïves et sans arrière-pensée, provenant de l’entourage de Simone : « pis aimeriez-vous pas ça une belle conseillère de même ? » (p.77), qui, ajoutées à certains travestissements apposés aux affiches électorales, ramènent sans cesse la candidate, non sans frustration, à sa condition de femme. Enfin, le jour de l’élection arrive et Simone remporte l’élection. Ce dernier volet insiste surtout sur le fait, qu’en dépit de cette victoire, la vie reprend son cours… Comme tous les autres matins, elle va se lever pour préparer le repas de ses enfants.

Cette bande dessinée présente de nombreuses qualités. En montrant que se porter candidat.e est relativement accessible à tous, notamment aux femmes, elle contribue à démystifier le fait de se lancer en politique. D’un point de vue scientifique, cet ouvrage constitue une première entrée en matière à toute personne intéressée à en savoir plus sur la scène politique municipale québécoise. Le portrait demeure bien sûr incomplet et les ellipses nombreuses (qui est le candidat concurrent? quels sont les enjeux ? d’autres candidats l’accompagnent-elle dans son porte-à-porte ? etc.), mais l’intérêt de cette bande dessinée n’en est pas moins important, et ce, pour deux raisons. D’une part, l’échelle municipale et ses rouages politiques demeurent encore relativement méconnus (Bherer et Breux 2011) et cette bande dessinée participe à combler cette lacune. D’autre part, le fait que l’héroïne soit une femme n’est pas anodin. Les femmes sont moins nombreuses que les hommes à se présenter en politique municipale et le témoignage qu’offre Simone Simoneau (et indirectement Valérie Plante) fait de la fonction politique une fonction accessible aux femmes. Il invite également les lecteurs et les lectrices à affiner leurs connaissances en se référant à l’ouvrage d’Anne Mévellec et de Manon Tremblay (2016), Genre et professionnalisation de la politique municipale : un portrait des élues et élus du Québec.

Pour poursuivre la lecture :

Bherer, Laurence et Sandra Breux. 2011. Les élections municipales au Québec : enjeux et perspectives. Québec, Presses de l’Université Laval.

Egner, Björn, David Sweeting et Pieter-Jan Klok. 2013. Local Councillors in Europe. Wiesbaden, Springer Fachmedien Wiesbaden.

Mévellec, Anne. 2018. « Accountability and Local Politics: Contextual Barriers and Cognitive Variety », dans Sandra Breux et Jérôme Couture (dir.). Accountability and Responsiveness at the municipal level: views from Canada. Montréal, McGill-Queen’s University Press : 153‑174.

Mévellec, Anne et Manon Tremblay. 2016. Genre et professionnalisation de la politique municipale :
un portrait des élues et élus du Québec
. Québec, Presses de l’Université du Québec.

Reynaert, Herwig. 2012. « The Social Base of Political Recruitment. A Comparative Study of Local Councillors in Europe ». Lex localis – Journal of Local Self-Government, 10, 1 : 19‑36.