La responsabilisation des usagers, une modalité contestée de gouvernance des déchets ménagers : étude de la réception d’une politique locale de réduction des déchets par la population ciblée

Maxence Mautray

Article complet du #93 | Qu’est-ce qu’une vie sobre ?

FR : L’émergence, depuis près d’une décennie, d’enjeux écologiques associés à la réduction des déchets, entraîne la mise en place de politiques locales incitatives par les collectivités en responsabilité de la collecte et du traitement des déchets ménagers. Ces politiques visent à écologiser la gestion des déchets des ménages, par l’usage d’instruments d’action publique de diverses natures : informationnels, tarifaires et techniques. L’étude sociologique, par entretiens semi-directifs menés auprès des habitants, de la mise en place d’une telle politique dans un territoire rural et précaire permet de mettre en lumière une réception contestée de la part de la population. Les résistances sont de natures multiples : tout d’abord, le service public des déchets n’est pas perçu comme un acteur dont les injonctions au changement de comportement au quotidien sont légitimes, car sa probité est remise en cause dans le même temps par l’organisation et l’efficacité de l’industrie du recyclage. Ensuite, la tarification incitative est largement perçue comme une facture supplémentaire injuste, car ce financement ne comporte pas de logique redistributive. Enfin, la mise en place de l’apport volontaire de tous les flux de déchets est largement vécue comme le retrait d’un des derniers services de proximité en zone rurale. Bien que l’on puisse croire que ce sentiment de rejet se focalise contre l’écologisation de l’action publique des déchets, il est bien plus orienté en fait vers la réorganisation de la collectivité territoriale étudiée, démontrant la centralité des questions de communication et de fiscalité du service public dans les réponses politiques à la crise écologique.

Mots clés : déchet, responsabilisation, écologisation, appropriation, résistances, sentiment d’injustice.  

EN: The emergence, over the past decade or so, of ecological issues associated with waste reduction has led to the implementation of local incentive policies by local authorities responsible for the collection and treatment of household waste. These policies are aimed at greening household waste management, using public action instruments of various kinds: informational, pricing and technical. A sociological study, based on semi-directive interviews with residents, of the implementation of such a policy in a rural and precarious area, sheds light on a contested reception on the part of the population. Resistance is multi-faceted: first, the public waste service is not perceived as a legitimate actor to formulate injunctions to change everyday behavior, as its probity is called into question at the same time as the organization and efficiency of the recycling industry. Secondly, incentive-based invoicing is widely perceived as an unfair additional bill, as this type of financing lacks a redistributive logic. Finally, the introduction of voluntary drop-off for all waste streams is widely perceived as the withdrawal of one of the last local services in rural areas. While one might think that this feeling of rejection is focused against the greening of public action on waste, it is much more oriented towards the reorganization of the local authority studied, demonstrating the centrality of issues of communication and taxation of public service in political responses to the ecological crisis.

Keywords: waste, responsibility, greening, appropriation, resistance, sense of injustice. 

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