De la subsistance à la consommation sélective : quand la pauvreté interroge la sobriété : le cas du glanage alimentaire
Article complet du #93 | Qu’est-ce qu’une vie sobre ?
FR : La sobriété, pierre angulaire de nombreux discours écologiques, se définit par une réduction active de sa consommation. Parce que les personnes en situation de pauvreté ont des marges de manoeuvre réduites, il leur est difficile de se conformer à l’impératif de sobriété, largement diffusé par les médias et les pouvoirs publics. Pourtant, loin d’être inactives et de subir des normes prescrites, les personnes en situation de pauvreté ont des capacités d’appropriation et d’arrangement souvent sous-estimées. En prenant pour objet d’étude le glanage alimentaire, activité de récupération des déchets alimentaires, cet article s’attache à montrer que certaines personnes à faibles revenus déploient au quotidien des initiatives économiques et domestiques leur permettant de reprendre en main leur consommation (alimentaire) et de se défaire d’une représentation négative de la pauvreté. À l’appui d’une enquête ethnographique, on montrera que le glanage constitue une des « mille manières de braconner » au quotidien (Certeau, 1990 : XXXVI), car il offre un approvisionnement alternatif en marge des prescriptions consuméristes ou de sobriété.
Mots clés : glanage alimentaire, sobriété, autonomie, pauvreté, ordre économique
EN: Sobriety, the cornerstone of many ecological discourses, is defined by an active reduction in consumption. Because people living in poverty have little room for maneuver, it is difficult for them to comply with the sobriety imperative, widely disseminated by the media and public authorities. Yet, far from being inactive and subject to prescribed norms, people living in poverty have a capacity for appropriation and arrangement that is often underestimated. Using gleaning of food waste as an object of study, this article sets out to show that certain low-income people deploy economic and domestic initiatives on a daily basis, enabling them to take their (food) consumption back into their own hands and shake off a negative representation of poverty. Based on an ethnographic survey, we will show that gleaning constitutes one of the “thousand ways of poaching” on a daily basis (Certeau, 1990 : XXXVI), as it offers an alternative supply on the bangs of consumerist or sobriety prescriptions.
Keywords: food-gleaning, sobriety, autonomy, poverty, economic order