Cultiver la sobriété : la subsistance au coeur des modes de vie agricoles et alimentaires alternatifs

Rosalie Rainville

Article complet du #93 | Qu’est-ce qu’une vie sobre ?

FR : L’agriculture industrielle, nourrie par des logiques extractives et productivistes, est régulièrement tenue pour responsable des désastres écologiques et sociaux et de leur accélération, qu’il soit question de perte de la biodiversité et de destruction des sols due à l’omniprésence des monocultures, de l’augmentation des maladies professionnelles imputées à l’usage des pesticides ou encore du taux de suicide alarmant dans le monde agricole. Face aux méfaits de l’agriculture industrielle dominante, de plus en plus d’agriculteurs et d’agricultrices valorisent des manières singulières de cultiver la terre et d’habiter le territoire, des modes de vie qui mettent à l’avant-plan toute l’importance de la sobriété. Prenant appui sur une enquête sociologique menée auprès d’une diversité d’initiatives agricoles et alimentaires alternatives québécoises, cet article montre en particulier que cette quête de sobriété, centrée sur la réappropriation des conditions matérielles d’existence et de subsistance, se matérialise de trois façons principales. Elle s’ancre tout d’abord dans une démarche visant à être plus autonome et indépendant vis-à-vis du modèle agricole et alimentaire productiviste et consumériste. Elle se traduit ensuite par la volonté des acteurs et actrices de réinscrire leurs pratiques agricoles dans « les territoires du vivant ». Enfin, cette sobriété s’incarne dans l’adoption d’un mode de vie plus solidaire, collectif et convivial.

Mots clés : Agriculture, alimentation, résistance par la subsistance, modes de vie alternatifs, autonomie, écologie 

EN : Industrial agriculture, fueled by extractive and productivist logics, is regularly held responsible for ecological and social disasters and their acceleration, such as the loss of biodiversity and soil destruction due to the omnipresence of monocultures, the increase in occupational illnesses blamed on pesticide use, and the alarming suicide rate in the farming world. Faced with the damages of the dominant industrial agriculture, more and more farmers are promoting singular ways of cultivating the land and inhabiting the territory, lifestyles that bring to the fore the importance of sobriety. Based on a sociological study of a range of alternative farming and food initiatives in Quebec, this article shows that this quest for sobriety, centered on the reappropriation of the material conditions of existence and subsistence, takes shape in three main ways. Firstly, it is rooted in an approach aimed at achieving greater autonomy and independence from the productivist, consumerist agricultural and food model. Secondly, it is reflected in the desire to reintegrate their farming practices into « living territories ». Finally, this sobriety is embodied in the adoption of a more solidary, collective and convivial way of living.

Keywords: Agriculture, Food, Resistance through subsistence, Alternative Cultures, Autonomy, Ecology 

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