Contre la sobriété gestionnaire, une sobriété kitsch ?

Ambre Fourrier

Article complet du #93 | Qu’est-ce qu’une vie sobre ?

FR : Cet article explore le potentiel subversif de l’esthétique kitsch, en faveur d’une sobriété qui s’inscrirait dans la perspective d’une écologie politique (Gorz, 2020) ou d’une décroissance soutenable (Abraham, 2019). Partant d’une critique de la sobriété telle qu’elle est promue, représentée et mise en pratique aujourd’hui – une sobriété que nous qualifions de gestionnaire – nous soutenons la possibilité de revendiquer une sobriété kitsch. De prime abord, cette notion semble constituer un parfait oxymore. Pourtant, il existe bien une sobriété kitsch qui s’incarne, dans des pratiques, des lieux, des environnements singuliers, invisibilisés dans les discours écologiques de l’heure. Cette sobriété propose une résistance au matérialisme primaire ambiant qui impose une certaine définition du superflu et revendique son élimination, par le moyen de la marchandisation (Ferrarese, 2023) et d’une électronisation du monde. Après avoir exploré les différentes significations du terme kitsch, nous nous servirons des écrits sur les ventes de garage et les braderies, en nous appuyant aussi sur notre expérience personnelle pour inviter le lecteur à déambuler avec nous dans ces lieux de la sobriété kitsch et prêter attention à certaines pratiques de récupération. Au terme de cette excursion, nous ferons valoir la nécessité non seulement de s’interroger sur l’esthétique liée à la sobriété (Rancière, 2000), mais aussi de politiser « le superflu » (Illich 1973).

Mots clés : Sobriété, Écologie politique, Esthétique, Kitsch, Récupération, Réparation, Réemploi.  

EN: This article explores the subversive potential of kitsch aesthetics, in favor of a sobriety that would fall within the perspective of a political ecology (Gorz, 2020) or sustainable degrowth (Abraham, 2019). Starting from a critique of sobriety as it is promoted, represented and put into practice today −a sobriety we describe as managerial− we argue for the possibility of claiming a « kitsch sobriety ». At first glance, this notion seems a perfect oxymoron. Yet kitsch sobriety does exist, and is embodied in singular practices, places and environments that are invisible in today’s ecological discourse. This sobriety resists the prevailing primordial materialism that imposes a certain definition of the superfluous and demands its elimination, through commodification (Ferrarese, 2023) and the electronization of the world. Having explored the different meanings of the term kitsch, we will draw on the literature on garage sales and jumble sales, and on our own experience, to invite the reader to stroll with us through these places of kitsch sobriety and pay attention to certain practices of recuperation. At the end of this excursion, we will argue that it is necessary not only to question the aesthetics associated with sobriety (Rancière, 2000), but also to politicize « the superfluous » (Illich, 1973).

Keywords: Sobriety, Political ecology, Aesthetics, Kitsch, Recovery, Repair 

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