#82 | Engagements et action publique face à la crise climatique
Sommaire
Introduction
Où mènent les transitions ? Action publique et engagements face à la crise climatique
Renaud Hourcade et Sophie L. Van Neste
Section 1 – Une transition venue d’en haut
Changer les comportements sans changer les modes de vie : les impasses du tropisme technologique de la transition énergétique au Japon
Benoit Granier
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Résumé
Omniprésente dans les politiques publiques et les discours relatifs à l’énergie, la notion de transition énergétique a encore été assez peu problématisée par les sciences sociales. Dans la lignée des travaux récents consacrés en majorité à des cas européens, cet article propose une analyse originale portant sur la question du changement des comportements et des modes de vie dans la transition énergétique au Japon. L’archipel constitue un terrain d’étude fécond parce que la notion de transition y a suscité des traductions variées et des interprétations concurrentes depuis l’accident de Fukushima de mars 2011, mais aussi parce que la trajectoire japonaise partage de nombreux points communs avec celles de l’Allemagne et de la France notamment. En outre, comme dans bien d’autres pays, si la nécessité de changer les comportements et les modes de vie fait consensus, les conceptions de ce changement sont largement différentes selon les acteurs. Après avoir examiné les divergences en la matière, cet article montre que la transition énergétique conduite par l’État japonais se caractérise par un fort tropisme technologique, et par une vision peu ambitieuse du changement des comportements et des modes de vie. Par contraste avec les solutions de remplacement proposées par d’autres acteurs, le projet étatique se limite en effet à la réalisation d’économies d’énergie, à l’achat d’appareils efficients et d’autres dispositifs techniques, et à la participation des usagers à la gestion de l’énergie dans le cadre des réseaux électriques intelligents. En faisant l’impasse sur des changements plus ambitieux, ce choix repousse l’adoption de modes de vie plus sobres, perpétue de nombreuses pratiques énergivores et rend l’avenir du climat extrêmement dépendant des progrès technologiques.
Mots-clés : transition énergétique, politiques publiques, modes de vie, comportements, technologie, Japon
Abstract
The notion of energy transition, which is omnipresent in public policy and discourse related to energy, has not been vastly analysed critically by social scientists yet. Following recent studies mostly focused on European cases, this paper provides an original contribution by examining the issue of behaviour and lifestyle change in Japan’s energy transition. Japan is a fruitful case given that the notion of transition has been translated in various ways and has conveyed different meanings since the mars 2011 Fukushima accident, but also because Japan’s energy transition shares many similarities with France and Germany. In addition, as in many other countries, while the necessity of changing behaviours and lifestyles enjoys a wide consensus, the conceptualization of the required changed significantly differs from one actor to another. After having examined these differences, this paper shows that Japan’s energy transition is characterized by a strong technological focus and by an unambitious vision of behaviour and lifestyle change. By sharp contrast with alternatives preconised by other actors, the Japanese government limits its scope at promoting energy saving behaviours, purchasing of efficient appliances and other equipment, and inviting the public to participate to the energy management within the smart grids. By discarding more ambitious changes, this choice postpones the emergence and dissemination of low energy intensive lifestyles, perpetuates numerous energy intensive practices and makes climate change mitigation highly dependent on technological innovation.
Keywords: energy, transition, public policy, lifestyles, behaviours, technology, Japan
De la « fronde anti-Linky » à la justification écologique du smart metering : retour sur la genèse d’un projet controversé
Laura Draetta et Bastien Tavner
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Résumé
L’article propose une analyse de la controverse française sur le compteur communicant Linky en interrogeant la construction de sa justification écologique. Il défend l’hypothèse que cette controverse s’enracine de manière concomitante dans la critique du nouvel objet technique et dans celle de la genèse du projet politico-industriel qui a présidé à son déploiement national. Il combine analyse de la presse, étude documentaire et enquête de terrain pour restituer, en deux parties, une description de la controverse en France à partir de son traitement médiatique et une analyse de la genèse institutionnelle du projet Linky. La première partie montre une controverse publique et plurithématique en permanente recomposition, dans laquelle le dispositif technique s’expose à des épreuves successives, dont celle de la dénonciation d’une tentative de verdissement d’un projet de modernisation industrielle. La deuxième partie porte un regard réflexif sur le projet Linky et montre comment les oppositions qui le concernent se nourrissent des limites de son cadrage et de son accompagnement par les institutions politiques et administratives.
Mots-clés : controverse sociotechnique, participation, compteur communicant, transition énergétique, sociologie des controverses
Abstract
The article proposes a study of the public controversy over the French electricity smart meter “Linky” by questioning the construction of its ecological dimension. It argues that this controversy is rooted in the criticism of both the technical features of the new device and the political genesis of the national program of mandatory installation in all French homes. The first part of the paper offers a description of the French controversy, drawing on a textual qualitative analysis of the national press published between 2015 and 2016. It describes how a public and plurithematic controversy unfolded, through several reconfigurations, and imposed a range of trials to the technical device. The second part connects this analysis to the political genesis of the Linky program. Basing on interviews and a survey of regulatory documents, expert reports and political debates, the authors offer a socio-history of the rollout program which shows how public opposition has been fuelled by limitations in how the project has been framed and handled by political and administrative institutions.
Keywords: environmental controversy, public participation, smart meter, energy transition, sociology of controversies
L’autoritarisme du verdissement hydroélectrique au Panama : les paradoxes dérégulateurs de l’action climatique vus depuis le Sud
Marie-Esther Lacuisse
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Résumé
Cet article interroge les effets dérégulateurs du Mécanisme de développement propre (MDP). Créé en 2001 par les Nations Unies, ce mécanisme incite les pays industrialisés soumis à des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre dans le cadre du protocole de Kyoto à investir dans les énergies non polluantes au Sud en échange de crédits-carbone. L’objectif de ce « verdissement énergétique » est de favoriser la réduction du réchauffement climatique et de stimuler un développement durable au Sud, notion répondant à des buts de justice environnementale et de protection des ressources. À partir du cas du développement de l’énergie hydroélectrique au Panama, cet article montre à l’encontre de cette justification que les critères de la certification propre soutiennent des pratiques économiques ultralibérales qui s’opposent aux principes du développement durable et qui sont à même de conforter des politiques de développement autoritaire. Il donne à voir de ce fait que la valorisation de l’enjeu climatique permet de réaffirmer les principes de la théorie de la modernisation dans le champ du développement en affaiblissant des initiatives durables antérieures. Dans ce cadre, cet article ouvre une réflexion sur les enjeux économiques et politiques de cet effet de régression au regard de la problématique de la souveraineté gouvernementale au Sud. Il développe une sociologie compréhensive du MDP à partir de conflits locaux autour des barrages au Panama. Il valorise une approche analytique depuis la réception, ce qui contribue à approfondir la théorie critique sur ce mécanisme, jusqu’ici principalement étudié depuis ses caractéristiques techniques.
Mots-clés : développement propre, développement durable, dérégulation, climat, énergie hydroélectrique
Abstract
This article questions the deregulating effects of the Clean Development Mechanisms (CDM). Created in 2001 by the United Nations, this mechanism allows countries that have a greenhouse gases emission-limitation commitment under the Kyoto Protocol to invest in non-polluting energy in developing countries. In exchange, developed countries can earn saleable carbon emission credits. Through this energetic greening, the purpose of this mechanism is to stimulate the decrease of global warming and sustainable development in the South with respect to social justice and environmental protection actions. Using the case of the hydroelectric energy development in Panama, this article argues that the CDM allows a climate action based on a deregulation of previous sustainable standards. Thus, as opposed to its justification, the clean certification standards sustain ultraliberal economic practices and may also allow authoritarian development policy that are contrary to sustainable development principles. In this way, this paper highlights the CDM deregulating effect in the field of development. At the end, this article discusses the economic and political stakes of such come back of the laissez-faire” in relation with State governability in the South. This article thus offers a critical analyze on the CDM, as seen from its negative consequences in the South. In so doing, it contributes to broaden the CDM critical theory.
Keywords: clean development, sustainable development, climate, deregulation, hydroelectric power
Section 2 – Citoyens et territoires producteurs d’énergie
La transition énergétique à travers le prisme des espaces de vie : les dynamiques de recadrages cognitifs autour de projets éoliens en Suisse occidentale
Adeline Cherqui et Pierre-Henri Bombenger
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Résumé
Le développement des projets de parcs éoliens en Suisse fait l’objet de nombreux conflits d’implantation territoriale. L’hypothèse explorée dans cet article est celle de la capacité de la notion de transition énergétique à construire une médiation entre les représentations sociales antagonistes s’exprimant autour de l’exploitation énergétique d’une ressource endogène qu’est le vent. En interrogeant les processus de recadrage des représentations sociales au sein de deux projets éoliens vaudois, l’analyse met en évidence les mécanismes cognitifs mobilisés par les différentes parties impliquées. Les résultats montrent les effets des changements d’échelle sur les évolutions du contenu substantiel de la notion de transition énergétique. Expression polysémique, elle peut être ainsi investie de représentations sociales, territoriales et institutionnelles plurielles, remarquablement labiles, au gré des usages stratégiques évolutifs dont elle fait l’objet. Ainsi, les cadres cognitifs des partisans du turbinage se confrontent à ceux de leurs opposants locaux tant dans leur interprétation des impacts anticipés des projets (financiers, paysagers, etc.) que dans la priorisation des enjeux territoriaux liés à la (non) réalisation du projet. L’immixtion en cours de projets des ONG environnementales nationales dans les débats engendre en particulier un recadrage cognitif majeur tant pour les opposants locaux que pour les promoteurs éoliens. En effet, elle soumet le processus de territorialisation des énergies renouvelables au respect des exigences de protection de la biodiversité et des paysages, véhiculées par la transition environnementale mondiale.
Mots-clés : conflit territorial, énergie éolienne, Suisse, transition énergétique, cadres interprétatifs, rôle social, transition environnementale, représentations sociales, conceptualisation idéologique
Abstract
The development of wind farm projects in Switzerland is subject to many conflicts, particularly regarding installation locations. This article explores how the concept of “renewable energy transition” can be used to build a mediation between antagonistic social profiles who participate in the realization and the spatial design of energy projects. By questioning the processes whereby social representations were reframed within two wind energy projects in Canton of Vaud, this analysis highlights the cognitive mechanisms utilized by the various stakeholders involved. The results of our analysis show the effects and-scale changes on the evolution of “renewable energy transition” content. As a polysemous expression, “renewable energy transition” content can thus be invested with plural, remarkably labile social, territorial and institutional representations, depending on the varied strategic influences to which it is subjected. Thus, the cognitive frameworks of wind-turbining proponents and those of their local opponents are challenged in the interpretative content of the anticipated project impacts (financial, landscape, etc.) as well as in the prioritization of territorial stakes related to the (non-)implementation of the project. The interference of national environmental NGOs’ in the local controversy generates a particularly major reframing, both for local opponents and for wind developers. Indeed, the implementation of renewable energies across the territory is subjected to the respect of biodiversity and landscape protection requirements induced by the global environmental movement.
Keywords: territorial conflict, wind energy, Switzerland, renewable energy transition, interpretative frameworks, social role, environmental transition, social representations, ideological conceptualization
Un territoire rural dans la transition énergétique : entre démarche participative et intérêts particuliers
Caroline Mazaud et Geneviève Pierre
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Résumé
Les espaces ruraux et périurbains constituent des réservoirs de ressources pour la production d’énergie renouvelable : foncier disponible dans des espaces éloignés des zones habitées, toits de bâtiments agricoles aménageables et biomasse mobilisable. Ils peuvent ainsi largement être exploités au bénéfice de la transition énergétique. L’étude de cas sur laquelle s’appuie cet article entend interroger la façon dont cette transition est pensée et mise en oeuvre sur un territoire souvent présenté comme exemplaire en matière de « dynamique énergétique ». L’enquête monographique menée sur le territoire rural des Mauges (région Pays de la Loire, France), labellisé « territoire à énergie positive pour la croissance verte », rend compte de la forte mobilisation d’acteurs locaux dans des projets de production d’énergie renouvelable : groupements d’achats de panneaux solaires photovoltaïques, filière bois-bocage-énergie, projet de construction d’unités de méthanisation et financement participatif d’un parc éolien. Unis par une conception entrepreneuriale de la transition énergétique, agriculteurs et particuliers tentent de se réapproprier les ressources locales, face à des investisseurs venant de l’extérieur du territoire. L’article analyse l’émergence et le montage de projets, en même temps que les motivations et profils des leaders. Derrière l’exemplarité du modèle affiché par ce territoire et le consensus qui semble unir la population locale autour de cette « dynamique énergétique », cet article explique en quoi les retombées économiques profitent avant tout à un petit groupe d’investisseurs dont beaucoup sont des agriculteurs qui cumulent responsabilités professionnelles et politiques locales.
Mots-clés : agriculteurs, territoires ruraux, énergies renouvelables, transition énergétique
Abstract
Rural and peri-urban areas can be considered as reservoirs of resources for renewable energy production: land available in remote areas, roofs of farm buildings that can be converted and biomass that can be mobilized. They can thus largely contribute to the energy transition. The case study developed in this article examines how this transition is designed and implemented in a territory considered exemplary in terms of “local energy projects”. The monographic survey carried out in the rural area of Mauges (“Pays de la Loire”, France), officially designated as “positive energy territory for green growth”, explains the strong mobilization of civil society and local actors in renewable energy production projects: group purchase of photovoltaic solar panels, “wood-logging-energy” sector, biogas production project and crowdfunding of a wind farm. United by the same entrepreneurial definition of the energy transition, farmers and individuals are trying to take advantage of their own local resources to the detriment of outside investors. The article analyzes the financial and technical design of various projects as well as the motivations and profiles of the leaders. Behind the exemplary model displayed by this territory and the consensus that seems to unite the local population within this “dynamic of renewable energy projects”, this article reveals that the economic benefits come first and foremost to a small group of investors , mainly farmers able to combine local professional and political responsibilities.
Keywords: farmers, rural territories, renewable energies, energy transition
Les enjeux démocratiques de la transition énergétique territoriale : enquête sur la coopérative énergétique citoyenne de Iéna
Thomas Blanchet et Carsten Herzberg
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Résumé
Depuis quelques années, les coopératives énergétiques citoyennes se sont positionnées comme des actrices majeures de la transition énergétique allemande. En prenant comme point de départ les recherches existantes sur la « démocratie énergétique », nous nous interrogeons dans cet article sur les fondements et les impacts démocratiques de projets participatifs dans le domaine de l’énergie. Pour cela, nous nous appuierons sur les résultats d’une enquête qualitative effectuée au sein de la ville de Iéna (Thuringe, Allemagne), où une coopérative énergétique citoyenne s’est créée en 2011 et a acheté l’année suivante 2 % des actions de l’entreprise municipale d’énergie. À l’aide d’entretiens approfondis, d’une étude de documents et d’observations, nous examinons le travail de légitimation politique nécessaire à la mise en place et au maintien d’un tel projet, ainsi que son impact sur les politiques énergétiques locales. D’une manière générale, la coopérative énergétique a contribué à renforcer la participation citoyenne dans les débats locaux sur l’énergie. Cependant, le cas de Iéna est également révélateur de tensions entre le but initial des fondateurs de la coopérative (faire avancer une transition énergétique inclusive et participative à l’échelle locale) et les intérêts, notamment financiers, de ses membres. Ces tensions contribuent à mettre en danger la légitimité politique de la coopérative comme moteur d’une transition énergétique démocratique.
Mots-clés : démocratie énergétique, coopératives citoyennes, entreprise municipale, transition énergétique, Iéna
Abstract
For several years, citizen energy cooperatives have become major actors in the German energy transition. Tacking stock on the literature on energy democracy, this article examines the democratic foundations and impacts of participative energy projects. For that purpose, we rely on a qualitative case study analysis of the city of Jena, where a citizen energy cooperative was created in 2011 and bought 2 % of the shares of the municipal energy utility the following year. Through semi-directive interviews, a document analysis and observations, this article analyses the work of building political legitimacy in order to create and maintain this project. It also investigates the concrete impact of this project on local energy policy. Overall, the energy cooperative has contributed to reinforcing participation of the local population in the debates on energy. However, the case of Jena also shows that tensions may arise between the overall goal of the cooperative’s founders (support an inclusive and participative energy transition) and the financial interests of its members. These tensions contribute to threaten the political legitimacy of the cooperative as a driver of a democratic energy transition.
Keywords: energy democracy, citizen cooperatives, municipal utility, energy transition, Jena
Participation citoyenne et régimes de politiques publiques : nouvelle donne ou donne inchangée ? Le cas des projets coopératifs d’énergie renouvelable au Danemark et en France
Pierre Wokuri
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Résumé
Cet article propose d’évaluer la manière dont l’émergence de projets coopératifs de production d’énergie renouvelable a fait évoluer les régimes de politiques publiques nationaux dans deux pays souvent désignés par la littérature comme des « modèles » de politiques publiques énergétiques opposés : la France, idéal type étatique centralisé et le Danemark, idéal type coopératif. En mobilisant une enquête par entretiens et par analyse de documents de politique publique, l’article étudie les réactions des deux régimes à cette « nouvelle donne ». Il ressort de cela que les perspectives de redistribution du pouvoir au sein du secteur énergétique, portées par ces projets coopératifs, ont été neutralisées dans les deux cas, au fil de trajectoires qui sont cependant contrastées. Au Danemark, l’intégration des projets coopératifs dans le marché de l’énergie a été précoce, mais ces derniers se sont retrouvés progressivement marginalisés avec la disparition de la « majorité verte » qui les soutenait. En France, la prédominance d’une production d’électricité centralisée et la faible influence du parti écologiste ont empêché, dès l’origine, la levée des multiples barrières au développement de projets coopératifs. Elle les cantonne encore aujourd’hui aux marges du secteur énergétique.
Mots-clés : politiques publiques, économie sociale et solidaire, énergies renouvelables, énergies citoyennes et coopératives
Abstract
This paper analyses the impact of the emergence of cooperative renewable energy projects upon national policy regimes in two countries were energy policy models are usually considered highly divergent: France and Danemark. France belongs to the state-oriented ideal type while Denmark is often associated with the cooperative ideal type. Mobilizing semi-structured interviews and extensive content analysis of policy documents, this paper shows that the power-challenging perspectives brought about by these cooperatives projects are neutralised in the two cases. In Denmark, integration of the cooperative model into the energy market was an early political decision, dating back to the early 1980s. But the cooperative movement later get marginalized following the end of the “green majority” in parliament that used to support their development through favourable regulations. In France, the deep centralization of energy production (highly dependent on nuclear power) and the low influence of the green party have prevented the development of cooperative projects since the beginning. They remain today at the margins of the energy sector.
Keywords: public policy, social entrepreneurship, renewable energy, community energy
Section 3 – Formes d’engagement et expérimentations
Transition écologique et trajectoires sociales : les traducteurs de la mobilité durable à Mexico entre expertise internationale et politique locale
Audrey Chérubin
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Résumé
Cet article cherche à comprendre les ressorts de la « transition » vers une mobilité urbaine durable engagée depuis le début des années 2000 dans la ville de Mexico, en dépit d’une configuration politique défavorable. En s’appuyant sur une enquête ethnographique, il analyse le processus de traduction opéré à partir des années 1990 par les membres d’un collectif de cyclistes. Occupant initialement une position marginale vis-à-vis des réseaux des partis politiques, ces agents parviennent progressivement à mettre à l’agenda de la « transition » vers une mobilité durable, en valorisant des ressources expertes et internationales. Par le biais de stratégies de professionnalisation et d’entrisme dans les administrations, ils impulsent le développement de modes de transport collectifs et peu polluants. Face aux contradictions persistantes de l’action publique en la matière, ils cherchent finalement à faire usage de leur insertion dans le champ politico-administratif pour garantir l’autonomie de leur contribution, par la mise en place d’un nouveau cadre légal tributaire des ressources spécifiques de l’expertise internationale. L’analyse de ce processus met en lumière la nécessité d’étudier les « trajectoires de transition » à l’aune des trajectoires sociales des agents qui les promeuvent. La « transition » vers une mobilité durable est ainsi conditionnée à Mexico par une transformation de l’espace social de production des politiques urbaines, marquée par l’émergence d’agents porteurs de légitimités nouvelles qui opèrent des déplacements et des échanges entre différents champs. Ces mouvements révèlent, davantage qu’une opposition entre capital politique local et expertise internationale, des logiques complexes de transfert entre ces deux types de ressources.
Mots-clés : transition écologique, trajectoires sociales, processus de traduction, politiques publiques, mobilité durable, Mexico, expertise
Abstract
This article seeks to understand the causes and context of the “transition” towards sustainable urban mobility that has been implemented since the early 2000s in Mexico City despite the rather unfavorable political climate. Based on an ethnographic survey, it analyzes the “process of translation” that members of a cycling collective initiated in the 90’s. Although they initially occupied a marginal position within the political parties’ networks, these actors gradually manage to put the “transition” towards sustainable mobility on the agenda by promoting expert and international resources. Through professionalization strategies and entryism in the local government, they manage to boost the development of low-pollution public transportation modes. Facing the persistent contradictions of public action in this area, they finally seek to use this insertion in the political-administrative field in order to guarantee the autonomy of their contribution, by setting up a new legal framework dependent on the specific resources of international expertise. The analysis of this process underlines the need to study “transition trajectories” in the light of the social trajectories of actors who promote them. The “transition” to sustainable mobility is thus conditioned in Mexico by a transformation of the space of urban policies production, affected by the emergence of actors carrying new legitimacy operating shifts and exchanges between different fields. These movements show, more than an opposition between local political capital and international expertise, the complex logic of transfer between these two types of resources.
Keywords: ecological transition, social trajectories, process of translation, public policies, sustainable mobility, Mexico, expertise
L’essor de la mini-maison au Québec : entre un idéal de liberté et de simplicité volontaire et un outil de densification suburbaine
Guillaume Lessard
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Résumé
L’urbanisation dispersée représente un véritable casse-tête pour la transition écologique urbaine en Amérique du Nord. Depuis des décennies, les plans et discours d’urbanisme font la guerre à l’étalement urbain, tandis que les représentations de la maison unifamiliale, véritable icône de la banlieue nord-américaine, s’adaptent à l’émergence des discours sur la soutenabilité urbaine. Au Québec (Canada), la mini-maison participe de ces dynamiques, mais de manière ambiguë. La mini-maison se présente à la fois comme une utopie d’habitation écologique et abordable, comme une niche du marché immobilier à combler et comme l’élément potentiel d’une stratégie plus flexible de densification douce des territoires suburbains. Cette étude de cas de type recherche-action propose d’étudier cette équivocité en analysant le processus de coconstruction de l’objet « mini-maison » au Québec à partir d’une analyse de presse, d’une analyse documentaire et d’observations participantes. Cet article conclut, d’une part, que ce processus a permis de créer des liens entre une grande diversité d’acteurs et, d’autre part, qu’il favorise la remise en question du modèle conventionnel de la maison unifamiliale détachée en répondant à des enjeux d’abordabilité, de simplicité volontaire, de densification douce et de transition écologique des périphéries urbaines.
Mots-clés : mini-maison, unité d’habitation accessoire, habitation durable, discours environnemental, transition écologique urbaine, banlieue, ville durable
Abstract
Urban sprawl has long been a puzzle for sustainable urban transition in North America. For decades, urbanism has been waging war against it. Simultaneously, representations of the single family detached home has been evolving and adapting to the emergence of discourses about sustainable cities. In Quebec, Canada, the tiny house phenomenon place in these debates is ambiguous. Tiny houses have been presented as a sustainable and affordable housing utopia, as an inexploited market niche and as a key element in a « soft » densification strategy that could help suburbs transition to a more sustainable urban form. This action research case study proposes to study this ambiguity by analyzing the process of coconstruction of the « tiny house » object in Quebec by using press analysis, documentary analysis and participant observations. This article concludes that this process facilitated the creation of new links between a wide variety of actors and seems to be an opportunity to question the single family detached home model in regard to affordability, voluntary simplicity, soft densification and the sustainable transition of suburbs.
Keywords: tiny house, accessory dwelling units, sustainable housing, environmental discourse, sustainable urban transition, suburbs, sustainable cities
Expérimenter la transition écologique dans les ruelles de Montréal : le cas du projet Nos milieux de vie!
René Audet, Ian Segers et Mathilde Manon
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Résumé
Les changements climatiques découlent de problèmes persistants qui exigent d’innover dans les manières de les aborder. Les expérimentations de transition représentent à ce titre de belles occasions. L’objectif de cet article est de présenter le projet d’expérimentation Nos milieux de vie ! mené à Montréal avec l’organisme Solon, et de rendre compte des apprentissages acquis lors des premières phases du projet et des adaptations à la démarche des expérimentations de transition auxquels elles ont donné lieu. Les explications de la démarche du projet Nos milieux de vie ! et la présentation des résultats de la première année permettent d’identifier quatre apprentissages principaux : le rôle crucial de Solon comme organisme de médiation, l’existence de temporalités diverses au sein du projet, l’importance de s’adapter aux demandes et aux besoins des participants, et l’existence de déterminants sociaux de la transition écologique.
Mots-clés : changements climatiques, transition écologique, expérimentation, recherche-action, durabilité
Abstract
Climate change results from persistent problems demanding innovative approaches. Transition experiments attempt to do that. The goal of this paper is to present the experimentation project Nos milieux de vie! organised in Montreal with Solon, a non-profit organisation, and to account for the learning made during the first phases of the project, and how the experimentation process was adapted. Explanations on the experimentation approach set forth in the Nos milieux de vie! project, and the presentation of results from the first year of the project allows for the identification of four issues that have generated new learning: the crucial role of Solon as a mediation organisation, the existence of diverse temporalities in the project, the importance to adapt to the demands and needs of participants, the existence of social drivers of ecological transitions.
Keywords: climate change, ecological transition, experimentation, action research, sustainability
Le nouvel environnementalisme du quotidien : durabilité, flux matériels et mouvements sociaux
David Schlosberg et Romand Coles
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Résumé
Cet article analyse les évolutions récentes en ce qui a trait à l’activisme environnemental, et plus particulièrement les mouvements axés sur la reconfiguration des flux matériels (material flows).Le souhait de durabilité a engendré un intérêt à changer la relation matérielle entre les humains, les autres êtres vivants et le monde physique. De plus en plus de groupes écologiques refusent maintenant de prendre part à des pratiques et à des institutions non durables; insatisfaits des solutions purement individualistes et consuméristes, ils accordent une importance croissante à la restructuration des pratiques quotidiennes de distribution, comme l’alimentation durable, l’énergie renouvelable et la fabrication. Cette transition vers un matérialisme plus durable est étudiée à l’aide de trois cadres : un dépassement d’une conception individualiste et centrée sur les valeurs du post-matérialisme pour privilégier les pratiques et les institutions collectives centrées sur la satisfaction des besoins de base; les concepts de gouvernementalité et de biopolitique de Foucault, qui articulent les modes de pouvoir autour de la circulation des choses, de l’information et des individus; et d’un nouvel éthos entourant un matérialisme à la fois vibrant et durable reconnaissant expressément l’immersion humaine dans les systèmes naturels non humains. Ces cadres nous permettent d’observer et d’interpréter des thèmes communs aux nombreuses initiatives, en apparence disparates, visant à remplacer les pratiques non durables et à forger des flux alternatifs.
Mots-clés : Environnementalisme, mouvements sociaux, nouveau matérialisme, gouvernementalité, post-matérialisme, durabilité
Abstract
This article analyzes recent developments in environmental activism, in particular movements focused on reconfiguring material flows. The desire for sustainability has spawned an interest in changing the material relationship between humans, other beings, and the non-human realm. No longer willing to take part in unsustainable practices and institutions, and not satisfied with purely individualistic and consumer responses, a growing focus of environmental movement groups is on restructuring everyday practices of circulation, for example, on sustainable food, renewable energy, and making. The shift to a more sustainable materialism is examined using three frameworks: a move beyond an individualist and value-focused notion of post-materialism, into a focus on collective practices and institutions for the provision of the basic needs of everyday life; Foucault’s conceptions of governmentality and biopolitics, which articulate modes of power around the circulation of things, information, and individuals; and a new ethos around vibrant and sustainable materialism with an explicit recognition of human immersion in non-human natural systems. These frames allow us to see and interpret common themes across numerous, seemingly disparate initiatives focused on replacing unsustainable practices and forging alternative flows.
Keywords: Environmentalism, social movements, new materialism, governmentality, post-materialism, sustainability