La question du « choix » dans la décision de se marier ou non au Québec

Hélène Belleau et Pascale Cornut St-Pierre

Article complet du #66 | Services publics à la carte? Le choix comme valeur sociale

Résumé

Dans le débat sur la pertinence d’un encadrement légal de l’union libre, le législateur québécois a jusqu’à maintenant soutenu l’importance de préserver le libre choix des individus qui souhaitent vivre en dehors des cadres du mariage. Un tel argument repose sur quatre postulats quant au « choix » que font les couples lorsqu’ils prennent la décision de se marier ou non, postulats qui ne sont étayés par aucune étude empirique. En tenant compte du point de vue des couples sur la vie conjugale et à l’aide de notions de sociologie du droit telles l’internormativité, la conscience du droit et l’effectivité des lois, l’article montre que la décision des couples de se marier ou non repose en fait sur des motifs et des normes qui n’ont souvent rien de juridique, et que l’imposition d’un statut de « conjoint de fait » par les lois sociales et fiscales entretient la perception répandue mais erronée selon laquelle les conjoints de fait jouiraient, après quelques années de vie commune ou la naissance d’un enfant, d’un statut et d’une protection équivalents à ceux des couples mariés.

Abstract

In the debate over whether or not legislation is needed to regulate common-law marriage, Quebec lawmakers have so far maintained that it is important to preserve the free choice of individuals who wish to live together outside the institution of marriage. This position rests on four premises regarding the “choice” that couples make when they decide to marry or not – premises that are not based on any empirical findings. Taking into consideration the views of couples on married life and applying concepts from the sociology of law such as internormativity, legal consciousness and efficacy of legislation, this paper shows that the decision to marry or not is in fact founded on reasons and norms that often have no legal basis, and that the reference to “common-law” status in social and tax legislation perpetuates the widespread but mistaken belief that couples in common-law relationships, after living together for a few years or having a child together, enjoy a status or protection equivalent to that of married couples.

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