Démocratie alimentaire et approches sensibles dans la transition écologique

Laurence Granchamp, Claire Lamine, Guy El Karim Berthomé, Martina Tuscano et Morgan Jenatton

Article complet du #90 | L’alimentation, un enjeu de justice sociale : mouvements alimentaires, politiques publiques et inégalités

FR : Cet article interroge la place accordée aux dimensions sensibles (au sens d’attachement, de ce qui « fait sens », ce à quoi l’on tient) ainsi que leur rôle au sein des dispositifs et expérimentations qui visent la transition écologique dans et par les systèmes alimentaires, à travers six cas situés dans différentes régions de France. Plus précisément, il sonde ces attachements afin de voir ce qu’ils peuvent apporter à la participation de publics à première vue éloignés des enjeux de transition écologique, et en explore la portée en matière de politisation. Il montre que la prise en compte de ces attachements offre un contrepoint aux approches technicistes et normatives de la transition écologique, tout en permettant de traiter les enjeux de la démocratie et de la justice alimentaires. Il identifie trois voies de politisation, diversement combinées dans les six expérimentations étudiées : la capacitation/l’augmentation du pouvoir d’agir (empowerment), la valorisation des pratiques et/ou des savoirs, et la formation de collectifs. Il suggère, enfin, qu’en dépit des limites que nous identifions, la prise en compte de ces dimensions sensibles favorise, sous certaines conditions, l’inclusion et la participation de ces publics. Cette prise en compte offre en outre une voie privilégiée pour l’articulation des enjeux de justice et de démocratie alimentaires aux enjeux environnementaux, ce qui mériterait d’être davantage considéré ou du moins discuté dans le cadre des politiques de transition écologique.

Mots clés : démocratie alimentaire, justice alimentaire, approches sensibles (attachements), transition écologique, politisation

EN: This article examines the place given to and the role of “sensitive” elements (that is, of the senses but also of attachment, of what “makes sense” and is valued) in projects and experiments aiming for an ecological transition within and through food systems, by presenting six case studies located in different regions of France. More precisely, it questions how these attachments can lead audiences a priori unfamiliar with ecological transition to be a part of it, and explores their scope in terms of politicization. It shows that taking into account these attachments offers a counterpoint to technicist and normative approaches of the ecological transition, while also addressing issues of food democracy and food justice. It identifies three paths of politicization, variously combined in the six experiments studied: empowerment, the valorization of practices and/or knowledge, and the formation of collectives. Finally, it suggests that, despite some identified limitations, taking these sensitive dimensions into account favors, under certain conditions, the inclusion and participation of these actors. Moreover, it also offers a means of bringing together the issues of food justice and food democracy with environmental issues, promising enough to warrant further consideration or at least discussion at the policy level of the ecological transition.

Keywords: food democracy, food justice, sensitive approach and attachments, ecological transition, politicization

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