Concilier mini-public délibératif et représentation élue dans l’élaboration de la loi : la perception de la Convention citoyenne pour le climat par les députés français

Aurélia Friès-Flaubert

Article complet du #92 | Le droit comme laboratoire de participation citoyenne

FR : La Convention citoyenne pour le climat (CCC) a permis à 150 citoyens tirés au sort d’élaborer un ensemble de propositions visant à réduire l’impact climatique de la France. Elle s’inscrit dans un « tournant délibératif » plus global où se multiplie l’utilisation de dispositifs délibératifs notamment pour remédier à l’incapacité de la démocratie représentative à résoudre les crises écologiques. La CCC a élaboré, grâce au soutien d’un comité légistique, des mesures législatives et réglementaires qu’elle jugeait nécessaires pour atteindre l’objectif fixé. Ses propositions ont été reprises partiellement dans un projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. La CCC illustre ainsi l’ouverture de la procédure législative à des citoyens non élus. Comment les députés ont-ils perçu le dispositif de la CCC et son intégration dans l’élaboration de la loi? Le présent article expose les résultats d’une recherche empirique en droit portant sur la perception par les députés français du dispositif de la CCC et de son incorporation à la procédure législative. La recherche entreprise vise à comprendre comment concilier mini-public délibératif et démocratie représentative dans l’élaboration de la loi. Les données collectées par participation observante et entretiens semi-dirigés montrent une conciliation difficile en raison d’une légitimité faiblement reconnue par les députés interrogés au dispositif de la CCC et en raison du sentiment partagé d’affaiblissement du Parlement par la mise en place de la CCC. Les résultats suggèrent des conclusions quant à la capacité de la procédure législative et de l’organisation institutionnelle des pouvoirs en France à intégrer des dispositifs délibératifs en leur sein.

Mots clés : assemblée citoyenne, climat, délibération, mini-public, participation, recherche empirique, Parlement, élaboration de la loi  

EN: The French Citizens Convention for Climate (CCC) enabled 150 randomly selected citizens to develop proposals aimed at reducing France’s impact on the climate. It is part of a more global “deliberative turn” in which the use of deliberative mechanisms is multiplying, in particular to resolve the failure of representative democracy to solve ecological crises. With the support of a group of six legal experts, the CCC developed legislative and regulatory measures necessary to achieve its goal. Some of its proposals have been included in a bill submitted to the French National Assembly. The CCC thus illustrates the opening of the legislative process to non-elected citizens. How did MPs perceive the CCC mechanism and its integration into the law-making process? This article presents the results of empirical legal research into French MPs’ perception of the CCC mechanism and its incorporation into the legislative process. The aim of the research is to understand how to reconcile deliberative mini-public and representative democracy in law-making process. The data collected through observational participation and semi-structured interviews reveal a difficult reconciliation, due to a legitimacy poorly recognized in the CCC mechanism, and to a shared feeling that Parliament has been weakened by the introduction of the CCC. The results suggest some conclusions as to the capacity of the legislative procedure and the institutional organization of powers in France to integrate deliberative mechanisms within them.

Keywords: citizens assembly, climate change, deliberation, mini-public, participation, empirical research, Parliament, law-making process 

Article complet du #92 | Le droit comme laboratoire de participation citoyenne