#76 | L’État en processus d’informalisation
Sommaire
Présentation : l’État en processus d’informalisation
Julie-Anne Boudreau, Frédéric Lesemann et Claude Martin
L’État et l’informalité en Amérique latine : virage à gauche. Changement de cap?
Julien Rebotier
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Résumé
La littérature en sciences sociales sur l’informalité en Amérique latine permet de suivre les pulsations de l’économie politique dans la région depuis les années 1970. Il en va de même pour les recompositions de la figure de l’État. L’attention portée aux liens entre les évolutions de l’informalité et les recompositions de l’État se concentre sur la période du « virage à gauche » des années 2000. Il en ressort le poids limité du retour récent et partiel de l’État, ainsi que celui, plus significatif, d’un grand récit libéral dans la définition de l’informalité et de sa portée dans la région aujourd’hui.
Abstract
Social sciences literature on the subject of informality in Latin America provides insight into the cadence of Latin American political economy dating back to the 1970s, as well as to similar trends concerning state restructuring. The attention brought to the ties between the evolution of informality and state restructuring centres on the period of “left turns” in the 2000s. What becomes clear is the limited power of the state’s recent, and partial return, as well as, more significantly, the great liberal story about defining informality and its reach in the region today.
Repenser l’informalité : la politique, les crises et la ville
Colin McFarlane
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Résumé
Si l’informalité a été traditionnellement comprise comme un type de formation territoriale ou de catégorie de travail, cet article propose une conceptualisation alternative concevant l’informalité et la formalité en tant que formes de pratiques. L’article examine comment différentes relations de pratiques informelles et formelles rendent possible la planification, le développement et la politique urbains. Il explore également le rapport changeant entre l’informalité et la formalité dans la durée. Pour illustrer le potentiel politique d’une conceptualisation de l’informalité et de la formalité comme pratiques, l’article souligne les répercussions d’une crise urbaine particulière : les inondations liées à la mousson, en 2005, à Mumbai. La dernière partie de l’article propose enfin trois cadres conceptuels pour identifier les relations changeantes des pratiques informelles et formelles : la spéculation, la composition et le bricolage.
Mots-clés : Crise, formalité, informalité, Mumbai, pratique, urbanisme
Abstract
If informality has been conventionally understood as a territorial formation or as a labour categorization, this paper offers an alternative conceptualization that conceives informality and formality as forms of practice. The paper examines how different relations of informal and formal practice enable urban planning, development and politics, and explores the changing relationship between informality and formality over time. To illustrate the political potential of conceiving informality and formality as practices, it highlights the fall-out from a particular urban crisis: the 2005 Mumbai monsoon floods. In the final section, the paper offers three conceptual frames for charting the changing relations of informal and formal practices: speculation, composition, and bricolage.
Étudier l’État à partir de l’informalité. Répression et résistances autour du commerce informel de carburant
Elieth Eyebiyi
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Résumé
Le commerce informel et transfrontalier des produits pétroliers provenant du Nigéria s’est enraciné, au début des années 1990, dans un contexte de crise économique et politique marquant le passage d’un État-providence à un État libéral et de marché. La porosité de la longue bande frontalière et les accointances entre douaniers et contrebandiers ont depuis favorisé l’institutionnalisation sociale et économique d’une activité informelle pourvoyeuse d’emplois et intégratrice de milliers d’exclus, de sans-emplois et de chômeurs au Bénin. Au fil des ans, le commerce informel du carburant de contrebande (le « kpayo ») s’est socialement légitimé, s’est intégré au quotidien des populations béninoises et s’est substitué aux stations-service pratiquant des prix prohibitifs. Les multiples tentatives de l’État central pour l’éradiquer se soldent par des échecs, y compris la dernière campagne démarrée le 17 novembre 2012. Arrestations, saisies, morts et autres drames n’empêchent pas le liquide controversé de couler à flots dans les réservoirs des citoyens et de rester concurrentiel.
À rebours des théories en vogue sur l’informel, ce papier adopte une posture socioanthropologique multicentrée et critique. Il associe l’économique au social et au politique pour interroger à partir de données recueillies au Bénin entre 2012 et 2014, l’action publique contre le « kpayo ». J’examine les représentations, les pratiques (non) officielles et les négociations entre un État régalien désireux de contrôler ses frontières pour augmenter les recettes douanières et un État d’usagers et de contrebandiers déterminés à maintenir coûte que coûte une activité informelle, structurant de manière décisive toute une économie formelle.
Abstract
The trans-frontierism and informal commerce of Nigerian oil products arose, in the early 1990s, from a context of political and economic crisis, marking the country’s shift from a welfare state to a liberal and market state. The porous nature of the country’s long, stripe-like borders and the acquaintanceship between customs officers and contraband dealers favoured the social and economic institutionalization of an informal activity as a means for employment, thereby integrating thousands of excluded and jobless citizens of Benin. Over time, the informal commerce of fuel (known as “kpayo”) was socially legitimized. It became integrated into the daily lives of the Beninese population, and was substituted to gas stations which had otherwise prohibitive prices. The centralized state’s multiple attempts to eradicate the practice failed, including its last campaign, begun November 17, 2012. Arrests, seizures, deaths, and other tragedies did not impede the controversial liquid from flowing into the citizens’ reservoirs and remaining competitive.
Beyond presenting popular theories on the informal, this paper adopts a critical, multi-centric, and socio-anthropological perspective. It associates the economy to the socio-political in order to question the data gathered in Benin between 2012 and 2014, as well as public action against “kpayo.” I will examine the representations, the (un-)official practices and the negotiations between the state sovereign desire to control its borders to augment border-associated revenues and a state of users and contrabanders determined to maintain, whatever the cost, an informal activity, ultimately decisively affecting and structuring the formal economy.
L’informalisation de la violence physique légitime : le Sénégal à l’épreuve des milices islamiques
Alassane Ndao
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Résumé
La prolifération des milices islamiques, leur armement et leur propension à faire usage de la violence physique, en marge des procédures formelles, constitue l’une des manifestations de l’informalisation de la violence physique légitime au Sénégal. Quelles que soient leurs formes, ces milices ne sont pas complètement hors de portée du pouvoir politique. Ce dernier tente de les contrôler politiquement. Le pouvoir transforme les miliciens en auxiliaires de la sécurité publique, de façon permanente ou ponctuelle. Il mobilise les miliciens pour s’attaquer à des opposants, citoyens ou militants politiques, tout en leur assurant une impunité. Les actions des milices peuvent produire des effets politiques indésirables, qui appellent une réponse vigoureuse de la part du pouvoir. Les contestations qui menacent l’autorité politique sont ainsi durement réprimées.
Abstract
The proliferation of weaponized Islamic militias and of their propensity to use physical violence in the margins of formal proceedings constitutes one of the manifestations of the informality of legitimate physical violence in Senegal. Whatever their shapes, these militias are not completely out of the reach of political power, as the latter attempts to control the groups politically. Power transforms auxiliary public security militias in decisive and permanent ways. Power mobilizes militias to attack its opponents, its citizens, or political activists with assured impunity. The militias’ actions can produce undesirable political effects that, in turn, provoke vigorous responses. Protests threatening political authority are harshly reprimanded.
L’informalité et la sélectivité stratégique de l’État : la montée de l’emploi précaire dans l’industrie de la construction aux États-Unis
Nik Theodore
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Résumé
L’informalité économique est généralement définie comme l’absence d’action étatique à cause de déficits institutionnels dans la capacité de l’État à réguler les activités économiques sur son territoire. Il existe un certain consensus sur l’importance de comprendre le rôle de l’État dans la suppression ou la croissance de l’informalité, afin de mieux expliquer l’étendue, la nature et l’évolution de l’économie informelle. Ce texte discute du rôle de l’État dans le double processus de désyndicalisation et d’informalisation dans le secteur de la construction résidentielle. L’un des effets prévisibles de ce double processus est la diminution des conditions de travail. Le travail précaire est de plus en plus important et les travailleurs immigrants (plusieurs sans statut légal dans le pays) sont devenus des « travailleurs de choix » pour les contracteurs qui se font la concurrence sur la base d’une diminution des coûts et la sueur des ouvriers.
Abstract
Economic informality is generally understood as arising from an absence of state action in the economy owing to institutional deficits, principally in the state’s capacities to regulate economic activities occurring within its territory. With regard to the role of the state in either inhibiting or fostering the spread of informality, there appears to be a consensus that adequate explanations of the scope, nature, and evolution of the informal economy must have as a central component an understanding of the state’s role in shaping these dynamics. This paper assesses the state’s role in facilitating the twin processes of deunionization and informalization in the residential construction industry, which has had the predictable outcome of lowering labour standards. Precarious work has proliferated, and immigrant workers, many of whom are undocumented, have become the “workers of choice” for construction contractors who compete based on low costs and the sweating of labour.
L’informalisation du recours à la protection sociale au Canada : le cas des réformes de l’assurance-chômage et du nouveau Tribunal de la sécurité sociale
Carole Yerochewski et Hans Marotte
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Résumé
En dégradant l’« emploi convenable » que devaient accepter les prestataires « fréquents », la réforme de l’assurance-chômage intervenue en 2012-2013 a suscité de vives réactions, notamment parce qu’elle mettait fin au caractère redistributif de l’assurance-chômage envers les régions marquées par des activités saisonnières. La réforme parallèle des procédures de contestation et d’appel des décisions d’admissibilité, qui a donné lieu à la création du Tribunal de la sécurité sociale, a été moins commentée. Elle a pourtant abouti à une informalisation des possibilités de recours au droit social.
Si une telle réforme s’inscrit dans le caractère autoritaire de l’action du gouvernement Harper, au pouvoir jusqu’en 2015, le propos de cet article consiste cependant à souligner la compatibilité de ces réformes avec le nouveau paradigme guidant, dans les pays industrialisés, les réformes de l’État-providence et remettant en cause la notion de droit social (Siegel, 2004). Le processus d’informalisation du droit social apparait dans ce contexte résulter tant de la mise en oeuvre de procédures arbitraires que de l’invisibilisation de ce processus, faute d’être défini comme un problème public.
Abstract
The 2012–2013 welfare reform, by degrading “suitable employment” for those receiving “frequent” benefits, provoked strong reactions, notably because the reforms put an end to the resdistributive character of unemployment insurance for seasonal work. The reform parallels the protests and appeal of admissibility decisions, which gave rise to the creation of a social security tribunal which was less criticized. Ultimately it resulted in the informalization of the processes and recourse of social justice.
If such a reform is characteristic of the authoritative character of the Harper government in power until 2015, this article proposes to underline the compatibility of these reforms with a new paradigm guiding welfare state reforms in the industrialized countries and challenging the notion of social justice (Seigel, 2004). The informalization of social justice is shown in this context to be the result as much of arbitrary procedures as of the invisibilization of this process, due to its failure to be defined as a public problem.
Informalisation du travail rémunéré et risques sociaux pour les travailleurs : le rôle des États-providence
Birgit Pfau-Effinger
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Résumé
L’article a pour objectif d’explorer comment les politiques des États-providence européens affectent la croissance du travail informel visant à échapper à la pauvreté. L’auteure avance qu’il est important d’établir des distinctions entre les types d’emplois informels — qui diffèrent significativement en fonction des types d’États-providence qui président les sociétés dans lesquelles le travail informel se développe —, en prenant en compte l’importance de la réglementation du travail, le degré de contrôle et de sanctions du travail informel, l’accès aux mesures de protection sociale, la dynamique démographique des migrations, etc. L’ensemble de ces facteurs contribue à exposer à des degrés divers les travailleurs de l’économie formelle les plus vulnérables aux risques sociaux, qui sont généralement couverts par les mesures de protection sociale et les droits sociaux.
Dans sa portion empirique, l’article se base sur les données comparatives du Rapport Eurobaromètre spécial de 2014 pour cinq pays européens (Danemark, Finlande, Allemagne, Pologne et Espagne), qui permettent d’analyser les différences entre ces pays de l’étendue du travail informel pratiqué pour échapper à la pauvreté, et qui se fondent sur des données d’enquêtes nationales et de recherche qualitative.
Abstract
This article aims to explore the ways in which the politics of the European state welfare affect the growth of informal employment aiming to overcome poverty. It is important to establish distinctions between different types of informal work, which differ significantly among types of welfare state systems, taking into account the importance of work regulations, the degrees of control over and of sanctions upon informal work, the ability to access social protection, the dynamic demographic of migrations, etc. The combination of these factors contribute to exposing the various degrees which workers in the most vulnerable formal economies experience social risks, generally covered by measures of social protection and social rights.
In its empirical section, the paper analyses data of the Special Eurobarometer 2014 and the findings of cross-national comparative research in an international EU project for five European countries (Denmark, Finland, Germany, Poland and Spain) which are based on national survey data and qualitative research data.
Réguler aussi avec l’informel. L’informalisation de l’État au coeur de l’emploi des jeunes
María Eugenia Longo
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Résumé
L’article met l’accent sur le caractère multiple de l’informalisation de l’État à travers ses manifestations dans le domaine de l’emploi des jeunes en Argentine. Outre sa manifestation principale, soit le travail informel ou non déclaré, l’informalité émerge également au coeur de l’emploi formel et protégé à travers des situations plus ou moins légales, difficiles à réguler pour l’État, malgré la longue liste des mesures visant cet objectif. L’informalité résulte paradoxalement de l’action de l’État en raison de l’ambigüité des programmes directs ou indirects qui, en visant à développer la capacitation, l’employabilité, l’inclusion sociale ou la formalisation de l’emploi non déclaré, reproduisent des situations d’informalité du travail chez les jeunes. Ces éléments sont illustrés avec des données d’une recherche qualitative et longitudinale sur les parcours professionnels de jeunes en Argentine.
Abstract
The article focuses on the multiple facets of the state’s informalization via its presence in Argentina’s youth employment sector. It demonstrates that beyond informal or undeclared work, informality also emerges at the heart of formal employment and is protected through situations that are more or less legal. It is challenging for the state to regulate, despite its long list of measures against such situations. Paradoxically, informality results from state action because of the ambiguity of the direct or indirect programs which, aiming to develop the capacity, the employability, the social inclusion, or the formalization of undeclared employment, reproduce situations of informality for working youth. These elements are illustrated with data from qualitative and longitudinal research on the subject of the professional journeys of Argentinian youth.
La loi comme cadre et comme horizon. Sur l’État et le processus démocratique au Brésil
Dominique Vidal
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Résumé
À partir d’enquêtes menées au cours de la dernière décennie, cet article se propose de montrer que l’action de l’État a, au Brésil, des conséquences auxquelles on ne saurait donner un seul sens, mais qui ont en commun de ne pouvoir être comprises qu’en tenant compte de l’historicité du social. On verra ainsi que la loi peut, selon les situations, être un horizon lointain ou un cadre qui permet des identifications et délimite des frontières sociales. On saisira alors la difficulté, dans le cas du Brésil, à parler en généralité d’un État en processus d’informalisation ou, à l’inverse, d’un État acteur d’une meilleure protection juridique des individus.
Abstract
Using research conducted over the last 10 years, this article proposes that in Brazil, the state’s actions have had multiple consequences. What these consequences share in common is that they cannot be understood without taking social historicity into account. We will therefore see that the law can, depending on the situation, exist either as a far-off horizon, or within a framework that allows identification and limits social boundaries. We will see then the difficulty, in the case of Brazil, to speak generally of the state in a process of informationalization, or on the contrary, of a state acting for the judicial protection of individuals.
Un projet « pour les Roms » ? Bricolages, malentendus et informalité productive dans des dispositifs d’insertion et de relogement
Martin Olivera
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Résumé
À partir d’une double recherche de terrain menée en Seine-Saint-Denis (ethnographies des migrants roms de Roumanie et des actions publiques ciblées mises en oeuvre à leur attention), cet article propose une réflexion sur les formes et conditions de la « réussite » des dispositifs d’accompagnement social et de relogement (« projets d’insertion »). Le suivi de tels projets montre que l’ensemble des acteurs en présence « bricole » afin de garder le cap dans un contexte mouvant et incertain, celui de la ville en train de se faire, pour y conserver (ou y prendre) sa place. Au-delà des migrants roms, cette réflexion souhaite contribuer aux débats sur la valeur de l’informalité et du malentendu dans les dynamiques d’intégration sociale.
Abstract
Stemming from fieldwork conducted in Seine-Saint-Denis (ethnographies of migrant Romanian Romas and the public actions created for them), this article proposes a reflection on the forms and conditions for the “success” stories stemming from the provision of social accompaniment and relocation (“insertion projects”). Such projects show how actors “bricole” or make-do in order to stay the course in the changing and uncertain context of the city reimagining itself in order to include or make room for this group. Above and beyond Roma migrants, this reflection hopes to contribute to the debates on the value of informality and inherent misunderstandings in the context of social integration.
Du non-profit au for profit : vers un « floutage » de la notion de public
Martin Lamotte
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Résumé
Maillé par une grande diversité d’associations communautaires à but non lucratif (non-profit), le quartier du South Bronx à New York est aussi le lieu d’accueil d’une grande partie des foyers (shelters) pour la population la plus pauvre de la ville. À partir d’une ethnographie auprès d’une association communautaire du South Bronx — le Community Association of the South Bronx (CASB) — l’article décrit la façon dont les organisations non-profit se sont transformées, s’adaptant au double processus de démantèlement de l’État social américain et à la délégation de la gestion des aides sociales aux villes. L’article interroge ainsi les rapports entre associations non–profit et for profit et l’hybridation (Duvoux, 2015) qu’opère, dans les quartiers populaires, le rapprochement des deux logiques. Cette dynamique, facilitée par les mesures dérégulatrices en faveur du secteur privé, accompagne une informalisation de l’État, ici dans sa composante municipale. En partant de l’expérience de Mickey, un ancien prisonnier vivant dans le South Bronx, l’article retrace les effets en termes de criminalisation et de dépendances que crée l’imposition d’une logique de marché dans la gestion sociale des non-profits.
Abstract
Stitched together by a diverse network of non-profit community organizations, New York City’s South Bronx neighbourhood hosts a large number of shelters for the city’s lower-income population. Based on an ethnography of the Community Association of the South Bronx (CASB), the article describes the ways that non-profit organizations have altered and adapted the double-barrelled process of dismantling the American social state as well as the ways in which the delegation of social service management to cities supports this. The article also questions the relationships between the non-profit and for-profit associations and the hybridisation (Duvoux, 2015) that generates, in lower-class neighbourhoods, a reconciliation of the two approaches. This dynamic, facilitated by the delegation methods favoured by the private sector, is accompanied by the informalization of the state here in its municipal component. Using Mickey, an ex-convict living in the South Bronx, and his experience as an entry point, the article retraces the effects in terms of criminalization and the dependence created by the imposition of market logic management of social non-profits.
Les transmigrants colporteurs souterrains du capitalisme marchand moderne
Lamia Missaoui
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Résumé
En contexte de globalisation, la dualité des économies bâties, d’une part, sur la classique verticalité des échanges internationalement régulés et, d’autre part, sur l’horizontalité « entre pauvres » hors contrôles étatiques, est mondialement apparue pour des produits vestimentaires et électroniques. C’est ainsi que des milliards de dollars de marchandises « d’entrée de gamme » produites dans le Sud-Est asiatique sont vendues sans taxes, via Dubaï, en Europe auprès des populations pauvres par des transmigrants moyen-orientaux. Cet article décrit, à partir d’une recherche récente (Tarrius, Missaoui et Qacha, 2013) comment ces transmigrants offrent aux grandes firmes mondiales le vaste marché des pauvres en passant en Europe des produits totalement hors taxes et hors contingentements. Cette description permet à l’auteur de discuter des notions clés qui rendent compte de ces divers phénomènes : initiatives économiques, invisibilisation, mobilités, conscience migratoire.
Abstract
In the context of globalization, the duality of the economies built, on the one hand, on the classic verticality of internationally-regulated exchanges and, on the other hand, the horizontality between “poors,” and outside state control, appeared globally with regards to clothing and electronics. Millions of dollars in “entry-level” merchandise produced in South-East Asia are sold tax free via Dubai, in Europe among the poorest populations by middle-eastern transmigrants. Based on recent research (Tarrius, Misaoui and Qacha, 2013), this article describes the ways in which transmigrant groups offer larger, global companies a wide market of poor and transient groups, by passing through in Europe products tax free and outside of the quota system. This description allows the author to discuss the key notions at play in these diverse phenomenons: economic initiatives, invisibilization, mobility, migratory conscience.